Les 4 piliers d’un parcours client impactant
Maxime Santilli (Sqwad) : “Qu'est-ce qui différencie un parcours moyen d'un parcours véritablement impactant selon toi ?”
Frédéric Canevet (ELOQUANT) : “Avant d'aller chercher le parcours, waouh, il faut déjà répondre aux attentes des clients. Tant qu'on n'aura pas visé ce minimum vital, on n'y arrivera pas.”
Selon notre expert, un parcours client impactant ne se construit pas uniquement sur des effets « waouh », mais repose d’abord sur une base solide : répondre aux attentes fondamentales des clients.
Ce qui fait la différence entre un parcours moyen et un parcours marquant, c’est l’émotion suscitée. Frédéric explique que la perception de l’expérience dépend à la fois des attentes initiales et du ressenti final : « Si t'avais pas beaucoup d’attentes et finalement c’est génial, tu te dis waouh, super ! » L’effet émotionnel agit comme un amplificateur, capable de transformer une simple interaction en moment mémorable.
Pour atteindre ce niveau d’impact, il recommande d’activer quatre leviers :
- L’émotion : elle agit comme un amplificateur de l’expérience : elle décuple l’impact d’une interaction, même simple, et ancre le souvenir dans la mémoire du client.
- La personnalisation : un parcours personnalisé donne au client le sentiment d’être reconnu et compris et renforce ainsi son engagement et sa satisfaction.
- La visibilité de l’effort : pour qu’un geste ou une attention ait de la valeur, il faut que le client s’en rende compte. L’impact ne naît pas seulement de l’action, mais de sa perception.
- La bonne gestion des problèmes : corriger efficacement les points de friction du parcours est essentiel, c’est ainsi que l’on construit la confiance et qu’on prépare le terrain pour un effet “waouh” durable.
Travailler ces dimensions permet de créer un vrai lien émotionnel, et donc une vraie différenciation.
Comment puis-je fluidifier le parcours client ?
Maxime Santilli (Sqwad) : “Comment concilier fluidité, efficacité et “mémorable” à chaque étape, de la prise de conscience à la fidélisation ?”
Frédéric Canevet (ELOQUANT) : “Certaines entreprises mettent en place des actions pour améliorer l'expérience client. Sauf que parfois, ils ne s’en rendent pas compte. Ce qui est vraiment important, c'est que ça soit perçu.”
Pour le spécialiste, tout l’enjeu est de créer un parcours perçu par le client comme fluide et engageant, car "si le client ne s'en rend pas compte, on va mener des efforts qui ne servent à rien" , explique-t-il. Il ne suffit donc pas d’ajouter des fonctionnalités ou des outils : encore faut-il que le client ressente leur valeur à chaque étape du parcours client.
Il nous donne l’exemple de Bouygues Telecom, qui a remplacé un callbot peu apprécié par un système de visio-assistance. Ce changement a permis de mieux résoudre les problèmes techniques tout en améliorant la satisfaction : « Ils ont atteint 95 % de satisfaction, et ont réduit leur cycle de vente de 15 à 30 % ». La clé ? Une solution à la fois simple, utile et visible par le client.
La personnalisation est également un pilier fondamental : être reconnu, éviter de devoir répéter son problème ou bénéficier d’un traitement prioritaire selon son profil sont des éléments qui fluidifient le parcours tout en renforçant l’attachement. « Un client, ce qu’il aime par-dessus tout, c’est être reconnu », rappelle Frédéric. Il est essentiel que l'interlocuteur puisse avoir un aperçu de l’historique du client : cela passe par l’intégration intelligente du CRM avec la téléphonie, une priorisation selon l’historique, ou des services premium adaptés à chaque typologie de client. Cette personnalisation est vraiment clé pour éviter de faire monter la pression, garantir une excellente satisfaction client et renforcer la fidélisation client.
En somme, fluidité, efficacité et mémorabilité se construisent ensemble, à condition de toujours penser l’expérience du point de vue du client, et de s’assurer que chaque effort ait un impact concret, visible et personnalisé ; il faut faire le bon choix, au bon moment.
Quel rôle joue l’intelligence artificielle dans l’expérience client ?
Maxime Santilli (Sqwad) : “Et selon toi, avec l'IA qui arrive, comment il (le choix) peut se faire et quelle est l'intervention de l'IA dans ces différents choix ?”
Selon Frédéric Canevet, l’IA permet d’optimiser le traitement des interactions simples, mais elle ne remplace pas l’humain : elle libère du temps pour enrichir la relation là où elle a le plus de valeur. « L’IA va aider à prendre une partie des appels à faible valeur ajoutée », explique-t-il, notamment les demandes standards comme connaître un solde, faire une déclaration ou suivre une livraison. Il distingue quatre types d’appels : les appels polluants, qui sortent du périmètre de l’entreprise (à rediriger intelligemment via des bots), les interactions à faible valeur ajoutée, parfaites pour l’automatisation, les demandes à forte valeur émotionnelle, où l’humain reste indispensable et enfin les appels proactifs ou “waouh”, qui deviennent possibles grâce au temps libéré.
C’est là que le rôle des conseillers prend tout son sens : « Il faut que la personne, quand on l’a au téléphone, soit vraiment dans l’empathie, dans l’écoute active, et pas que ce soit robotisé. » L’enjeu n’est plus uniquement la compétence technique, mais les soft skills : posture, phrasé, personnalisation de la relation.Grâce à l’IA, les entreprises les plus avancées peuvent ainsi réinvestir ce temps pour : mener des appels de suivi ou de remerciement, anticiper les besoins comme avant une échéance de contrat, par exemple, ou encore personnaliser la relation avec des appels attentionnés comme souhaiter un anniversaire.
Construire un parcours client omnicanal sans complexité
Maxime Santilli (Sqwad) : “Alors comment selon toi, une marque peut construire un vrai parcours omnicanal sans y laisser trop d'énergie ou de budget ?”
Frédéric Canevet (ELOQUANT) : “Il est vraiment essentiel d'avoir une unification dans un seul endroit et de travailler les délais.”
Pour Frédéric, un parcours omnicanal efficace et réaliste commence par une règle simple : ne pas ouvrir plus de canaux que l’on peut gérer correctement. « Il n’y a rien de pire que d’essayer d’ouvrir des canaux sur lesquels on ne sera pas capable de répondre dans les temps attendus », prévient-il. Chaque canal implique une attente spécifique : quelques minutes pour WhatsApp, moins d’une minute pour le chat, et quelques heures pour l’email. Il est donc essentiel de respecter ces délais, sous peine de dégrader l’expérience client.
Le deuxième pilier repose sur la centralisation des interactions dans une console unifiée, pour avoir une vision complète du parcours client. Cela évite les doublons, les incohérences entre les canaux et permet une réponse plus fluide et cohérente. “Il faut être capable de dire : j’ai bien vu votre message”, qu’il soit sur WhatsApp, par email ou sur les réseaux sociaux, et assurer une continuité sans dissonance.
Enfin, notre expert insiste sur l’importance de fixer des objectifs de délai réalistes, de les suivre en temps réel (par exemple via des dashboards ou de la gamification interne), et surtout de tenir ses promesses : “Il n’y a rien de pire que de promettre à un client qu’on va le rappeler et de ne pas le faire.” Une promesse non tenue nuit bien plus qu’un délai assumé.
Un bon parcours omnicanal ne dépend pas du nombre de canaux, mais de la capacité à garantir une réponse rapide, cohérente et bien pilotée sur ceux que l’on maîtrise vraiment.
Les erreurs fréquentes à éviter dans la conception du parcours client
Maxime Santilli (Sqwad) : “Peux-tu m'en dire plus sur les erreurs les plus sous-estimées dans la conception ou l'exécution d'un parcours client ?”
Frédéric Canevet (ELOQUANT) : ”Il y a pour moi beaucoup d'erreurs. La première, c'est vouloir trop automatiser parce que l'automatisation nuit vraiment à la relation client.”
La première erreur la plus fréquente pour notre expert est celle de vouloir trop automatiser le parcours client. Frédéric Canevet souligne que trop d'automatisation peut frustrer le client lorsqu’il ne trouve pas facilement un interlocuteur humain. Il cite l’exemple de Brandt qui réussit à gérer 90 à 95 % des demandes avec un chatbot, mais insiste sur l’importance d’avoir un bouton permettant un contact humain immédiat pour les besoins plus complexes.
Une autre erreur importante est le manque de cohérence et de synchronisation entre les différents canaux et équipes. Il insiste sur la nécessité de centraliser l’information pour éviter des “dissonances entre les réponses” et le non-respect des délais, car “cet aspect de promesse est vraiment essentiel au niveau de la relation client” selon lui.
Le spécialiste met également en avant l’importance de créer des moments d’émotion dans le parcours, même simples, comme envoyer un courrier d’excuses ou un geste personnalisé après un problème. Cela montre que l’entreprise « essaie de faire le maximum » et permet de renforcer la fidélité du client.
Enfin, pour Frédéric, il faut aussi travailler la culture client en interne sur la durée, et pas seulement ponctuellement : « L’excellence client, l’expérience client, c’est un marathon, ça ne se fait pas en sprint ». Il évoque des pratiques comme le partage régulier d’expériences client au sein des équipes et l’écoute des collaborateurs en première ligne, qui sont souvent les mieux placés pour remonter les dysfonctionnements.
Anticiper et corriger les angles morts dans l’organisation
Maxime Santilli (Sqwad) : “Tu parlais des bonnes pratiques et à l'inverse, est ce qu'il faut surveiller les angles morts chez un individu ou en équipe interne pour pouvoir veiller à toujours une satisfaction client au maximum ?”
Oui, pour Frédéric ,il est essentiel de surveiller les angles morts, que ce soit chez un individu ou en équipe, pour garantir une satisfaction client maximale. Il insiste sur l’importance d’aller à la rencontre des collaborateurs et de créer un véritable lien avec eux : “Il faut véritablement considérer les équipes externes comme des salariés internes de l'entreprise, donc les former, les écouter, leur donner le bon matériel à disposition.” Cela permet d’éviter que les collaborateurs restent dans un « train-train habituel » sans prise en compte des améliorations possibles.
Ensuite, il évoque aussi la nécessité de donner de l’autonomie aux collaborateurs pour qu’ils puissent agir rapidement sans être bloqués par une procédure trop rigide, ce qui valorise à la fois le collaborateur et le client : “Si le collaborateur dit ‘je peux rien faire, c’est la procédure’, il va être bloqué et le client ne sera pas satisfait. Donner une petite marge de manœuvre change tout, ça permet de régler les problèmes plus vite.”
Par ailleurs, cette autonomie n’exclut pas un contrôle régulier via des audits qualité ou de la “réécoute”, afin de détecter les points faibles rapidement et former les équipes en conséquence. Frédéric cite l’exemple de chez Vinci Autoroutes où un suivi post-appel et une analyse sémantique ont permis de réduire de moitié le taux d’insatisfaction en identifiant et en corrigeant rapidement les dysfonctionnements.
Quels KPI suivre pour évaluer la performance de l’expérience client ?
Maxime Santilli (Sqwad) : “Peux-tu me donner plus d'informations sur les KPI’s ? Qu’est-ce que tu recommanderais pour suivre l'efficacité, l'efficacité réelle ?”
Frédéric Canevet (ELOQUANT) : “Pour moi, il y a un capital qui est essentiel et c'est ça qu'il faut retenir, c'est la satisfaction client.”
Pour mesurer l’efficacité réelle, le KPI fondamental reste la satisfaction client, car “au final ce qui compte c’est que le client soit satisfait”, même si des indicateurs classiques comme le FCR ou le DMT sont aussi importants. Frédéric Canevet rappelle que “cette satisfaction est essentielle, même si le taux de réponse aux enquêtes est souvent autour de 15-20 %”. L’essentiel est la perception du client, et non simplement la rapidité ou le volume des réponses.
Il insiste aussi sur le fait que l’expérience client ne doit pas être sacrifiée au profit d’une gestion quantitative : “il faut accepter parfois de passer plus de temps sur un appel pour qu’il soit traité immédiatement et que le client soit rassuré”, plutôt que de raccrocher rapidement. Ce travail sur la qualité perçue est vraiment clé pour garantir une bonne expérience.
Enfin, Frédéric souligne l’importance d’un coaching adapté pour gérer les différents profils d’agents, entre ceux trop techniques et ceux qui discutent trop longtemps, afin de trouver un équilibre entre efficacité et humanité dans les échanges, et ainsi optimiser la satisfaction client globale.
Adapter le parcours client à la saisonnalité
Maxime Santilli (Sqwad) : “Tu parlais également de saisonnalité comment adapter le parcours client avec cette saisonnalité qui est parfois à un jour près ? Le Black Friday, la fête des pères ?”
La gestion de la saisonnalité est un vrai challenge, explique Frédéric Canevet. Il illustre cela avec un exemple dans le secteur des assurances étudiantes, où « en septembre, leur pic d’appels explose totalement en l’espace de deux mois ». Pour s’adapter, plusieurs leviers sont essentiels selon lui. À commencer par la proactivité, en envoyant par exemple un SMS quelques jours avant la rentrée pour anticiper les besoins du client, évitant ainsi un pic d’appels inutile. Pour Frédéric “cet aspect proactivité est vraiment essentiel et c’est ce que je recommande le plus”. L’automatisation via des outils comme des call bots ou serveurs vocaux interactifs est un autre levier qui permet de répondre rapidement aux demandes simples, réduisant la pression sur les équipes humaines. Enfin, l’externalisation permet de renforcer les effectifs pendant les pics saisonniers, avec des équipes formées en amont et disponibles rapidement. À ce sujet, Frédéric explique que cette stratégie est « vraiment très importante parce que ça permet de faire appel à des flux et traiter de manière humaine ces demandes ».
Pour finir, il est aussi essentiel de se concentrer sur l’amélioration continue des processus pour limiter les appels, même en période de forte activité, afin d’assurer une relation client fluide malgré les pics.
Tendances futures : à quoi ressemblera l’expérience client dans 2 à 3 ans ?
Maxime Santilli (Sqwad) : “Selon toi, quelles seront les grandes tendances qui définiront l'expérience client d'ici 2 à 3 ans ?”
Frédéric Canevet (ELOQUANT) : “Il y a une tendance à laquelle on ne peut pas échapper, c'est bien sûr l'intelligence artificielle. Et ça, clairement, ça révolutionne tous les métiers : le service client, le marketing, les ventes, etc.”
En effet, d’ici deux à trois ans, l’expérience client sera profondément transformée par l’essor de l’intelligence artificielle, qui jouera un rôle central aussi bien pour les clients que pour les collaborateurs. “On va aller vers plus d’automatisation et plus d’outils d’intelligence artificielle qui vont faire du conseiller un conseiller augmenté”, explique Frédéric Canevet. Cette automatisation permettra non seulement de gagner en efficacité, mais aussi de mieux personnaliser les échanges.
Pour notre expert, dans un contexte économique tendu, les entreprises chercheront aussi à rationaliser leurs coûts, via l’externalisation, la digitalisation ou encore le télétravail, qui permet « de réduire les coûts liés aux locaux tout en améliorant le confort des équipes ». Mais au-delà de l’optimisation du parcours client, c’est bien sur le terrain de l’émotion et de la différenciation que les marques devront miser pour renforcer la fidélité client.